Lancé en 2006, Auto Moto Collection était spécialisé dans la voiture sportive de collection. Tous les deux mois, des milliers de passionnés y découvraient de superbes reportages sur leurs automobiles préférées, de sportive d'occasion comme la Ferrari 550 Maranello à la légende d'avant-guerre qu'est l'Amilcar CGSS. Ce magazine a malheureusement disparu et bon nombre de ses lecteurs regrettent encore aujourd'hui que les articles publiés ne soient pas disponibles. Ce manque est aujourd'hui comblé puisque ce blog publiel'intégralité de tous les articles parus. Bonne lecture à tous.



VW Golf GTi 1.6L - 1981




La première fois que les amateurs de sportives entendirent parler de la Golf GTi, ils firent plutôt la moue. Comment Volkswagen, une marque connue jusque là presque exclusivement pour sa Coccinelle, pouvait-elle espérer leur vendre sa sportive bâtie sur la base de son nouveau modèle populaire commercialisé depuis deux ans ?

Il faut se replacer dans le contexte de l’époque (la marque allemande n’a alors vraiment rien d’une marque sportive) pour arriver à comprendre que la Golf GTi démarrait dans la vie avec un gros handicap, ne reposant sur rien d’autre que l’image vieillotte de son constructeur. Et pour l’instant je ne parle qu’en fonction des clients potentiels friands de voitures sportives, à la mode ou pas. Car il y a les autres, ceux aimant s’afficher au volant d’une voiture simplement et résolument à la mode. Et il vaut mieux pour un constructeur s’attirer la clientèle des deux genres pour espérer un succès record. C’est plus sûr, les deuxièmes étant tout aussi nombreux, sinon plus, que les premiers. Or au tout début, malgré les criantes qualités de sa voiture, VW ne croyait même pas pouvoir intéresser les premiers, les purs, les durs. C’est dire ! Dans les deux cas nous remarquerons qu’il faut des moyens à l’amateur, car «sportive» signifie tarif élevé, et «à la mode» implique de ne pas acheter trop tard donc d’occasion, au risque bien sûr de ne plus l’être (à la mode). Jusqu’à la Golf, pour le client ayant d’autres motivations d’achat qu’exclusivement les qualités intrinsèques d’un modèle, Volkswagen ne représentait aucun intérêt. Indubitablement il fallait pour la marque se libérer du carcan dans lequel elle s’était faite elle-même prisonnière avec la monoculture Coccinelle et ses maladroites tentatives d’en sortir avec les loupées séries 400 et 1300, 1500, 1600. Seule la K70, présentée en 1970, née de la fusion avec NSU, fut une réelle tentative de modernisation de ses produits. Moteur 1600 4-cylindres en ligne à refroidissement par eau et arbre à cames en tête, et surtout traction avant, solutions révolutionnaires chez Volkswagen, n’empêcheront pas ce modèle d’être un bide. Bref, avec tout cela, pour les personnes argentées (et fières de l’être) ayant un rang à tenir, acheter une Golf n’était pas vraiment à l’ordre du jour fin 1976, c’est le moins que l’on puisse dire… Même la toute dernière GTi, annoncée à un tarif qui visiblement n’avait pas été calculé pour les masses prolétariennes. Mince alors, c’est vrai ça, rouler dans une VW, aussi bien soit elle, et mise hors de portée des bourses les plus plates, cela torpille le standing ! Alors comment donc cette satanée Golf GTi est-elle devenue en à peine deux ans une voiture des plus statutaire du moment, alors que son prix de vente, bien que relativement élevé pour une Volkswagen, ne la réservait tout de même pas qu’aux personnes imposées à 45 % minimum ? Par la même occasion nous aurons aussi un aperçu de pourquoi elle devint également un must chez les connaisseurs.
Commençons par le commencement. Avant toute chose les premiers essais parus dans la presse spécialisée, faisant état de qualités incroyables et jamais réunies en un même modèle de cette tranche de prix, convainquirent les moins bégueules d’aller essayer une GTi chez le concessionnaire VW le plus proche. Souvent en cachette, sans le dire aux amis roulant en BMW, Mercedes ou Porsche. Ils n’auraient pas compris ou auraient immédiatement déduit de cet acte une folie passagère. À moins que ce ne soit un revers de fortune, peut-être pas passager lui… Le discours était à peu près toujours le même quand était abordé le fameux sujet automobile du moment. « Môôaa, rouler en Volkswagen ? Jamais, parbleu ! Vous voulez rire, ça ne peut pas valoir grand chose une voiture portant une marque pareille…». Ce genre d’imbécillité proférée par des ignares snobinards furent légion. Mais celui qui l’avait conduite savait, lui. Le bref essai chez le concessionnaire local avait eu vite fait de lui prouver que les journalistes n’étaient pas payés par Volkswagen France pour porter aux nues la GTi alors qu’elle ne le méritait pas. Tout ce qu’ils écrivaient était donc bien vrai ! Conséquence immédiate, les premières Golf GTi commencèrent à circuler. De bouches à oreilles les attributs positifs de la petite se répandirent comme une traînée de poudre. Alors, de plus en plus nombreux, les clients de la Golf GTi lui firent de la publicité. Enchantés qu’ils étaient de ses états de service. Sans cesse de nouveaux curieux décidaient de vérifier par eux-mêmes si ce qui se disait n’était pas tout de même un peu exagéré. Et la plupart du temps, l’essai achevé, ils finissaient par passer commande de celle qu’ils regardaient d’un œil torve il y a encore deux semaines quand elle doublait leur BMW 525 avec une aisance apparente qui avait effectivement de quoi agacer. Il ne fallut pas plus de deux ans pour que tous les amateurs potentiels de ce genre d’auto soient persuadés que Volkswagen était bel et bien capable de concevoir une petite berline vraiment sportive et valant dans bien des cas en terme de plaisir et d’efficacité sensiblement plus que de plus grosses, plus puissantes et plus chères. La légende était en marche.

Une ascension fulgurante...
La clientèle que visait la Golf GTi était une clientèle plutôt jeune mais ayant un budget assez élevé à consacrer à l’achat d’une automobile. Car son prix n’était pas le plus bas qu’il était possible de trouver, 31.260 francs en 1976 cela représentait une coquette somme. Mais à y regarder avec du recul on s’aperçoit qu’il était tout simplement à la hauteur des qualités de la GTi. Et à ce titre il pouvait difficilement se situer dans une tranche inférieure. Soit celle des petites sportives beaucoup moins bien loties en qualités diverses et en puissance. D’ailleurs c’était un tarif de 740 francs inférieur au prix demandé par Renault pour sa R5 Alpine lancée quatre mois avant. Une voiture à tout point de vue inférieure à la Golf GTi. Seule sa boîte 5 constitue sur le papier un avantage de la française sur l’allemande. Et sur le papier seulement car à l’usage l’organe Renault se révèle si imprécis qu’on lui préférera le Volkswagen remarquable en tout points. Pour concevoir un produit susceptible de conquérir les 30-40 ans aisés, il fallait répondre à certains impératifs. Les différents services de Volkswagen ont tenu compte de ces impératifs au pied de la lettre et le résultat de leurs travaux, qui nous apparaît aujourd’hui comme banal mais qui était loin de l’être en 1976, a donné le jour à la première Golf GTi telle que nous la connaissons. VW s’est beaucoup investi pour donner naissance à la GTi car ce genre d’automobile n’était pas dans sa culture. Techniciens et financiers ont été mis à contribution pour dévergonder la Golf qui jusqu’à présent n’avait que 70 ch Din à proposer, au plus. Quatre conditions fondamentales furent réunies : esthétisme, performances, facilité et économie d’utilisation, et véritable caractère sportif. Mais ce n’est pas pour autant suffisant pour s’expliquer le succès rapide rencontré par le modèle. Il manque un élément, celui capable de faire passer une voiture d’essence populaire dans la “caste” des autos adulées par tout le monde. Que ce soit les frimeurs, les sportifs, les calmes, les véritables connaisseurs, les incultes, les riches, les pauvres... Cet élément, c’est une rigueur de conception sans faille (eu égard au prix de vente). Et c’est cette rigueur encore inconnue à ce niveau de gamme qui fit prendre la mayonnaise. C’est elle qui fera en sorte que l’on dira : «la Golf GTi c’est une super bagnole». Et personne ne s’avisait de dire le contraire sous peine de passer pour un guignol. Il n’en fallait pas plus, façon de dire, pour produire le best-seller des sportives du moment.
Le succès appelant le succès, la Golf GTi conquit également les plus de 40 ans, et même les plus de 50 ans dont le compte en banque permettait pourtant sans problème de circuler en voiture deux à trois fois plus coûteuse. Tant et si bien qu’en 1979, dépassant toutes les prévisions les plus optimistes, la Golf dans sa version GTi était devenue un phénomène de société. L’image éclatante de la Golf GTi attira les très riches, qui trouvaient en cette voiture leur compte en terme de plaisir de conduite et une polyvalence certaine pour leurs divers déplacements, comme les moins riches, qui cassaient la tirelire pour se payer cet “ ascenseur social ”. En Golf GTi, l’ouvrier se sacrifiant pour honorer les traites et le chef d’entreprise dont elle ne représentait que trois à six mois de salaire étaient sur un pied d’égalité. À la manière de la moto, ou comme avant elle l’avait fait la R8 Gordini, la Golf GTi rapprochait les hommes. Enfin, peut-être pas les hommes, mais les titulaires du permis de conduire. La nuance est d’importance… Peu de constructeurs peuvent se targuer d’avoir réussi la même chose sur tous les plans, identiquement, ou, plus rare encore, supérieurement à Volkswagen. En 1979, plus personne ne trouve drôle de voir son riche voisin rouler en VW si celle-ci est une Golf GTi. Dans l’imaginaire collectif, la GTi est une Golf mais la Golf n’est pas une Volkswagen avec tout le bagage péjoratif que traînait cette marque en 1974 (au lancement de la Golf) et toujours encore un peu deux ans plus tard au lancement de la version GTi. Dans l’identité de ce modèle maintenant idolâtré, la marque a été presque totalement occultée au profit de son nom, qui est devenu en quelque sorte la marque dans les conversations, et du type, qui est devenu en quelque sorte le nom. Cela peut paraître un peu fou, mais ce phénomène de décalage, de glissement identitaire, fut très bénéfique aux ventes de GTi. Ceux qui ont parfaitement suivi ont compris, on achetait une Golf et plus précisément une GTi, mais pas une Volkswagen. Tout au moins personne n’y pensait vraiment. C’est un peu comme si on allait voir son concessionnaire Golf pour acheter une GTi. Il y a encore peu de temps, le constructeur de Wolfsburg utilisait cela pour entretenir par le biais de publicités efficaces l’image en or de sa Golf. Ce qui permettait de l’extirper de la guerre tarifaire que se livraient les autres constructeurs dans la catégorie. Grâce à la première génération de la Golf, et plus particulièrement de sa version sportive, Volkswagen est parvenu à se dépêtrer de son image de constructeur de Coccinelle et autres dérivés maladroitement étudiés et dessinés. Le phénomène GTi a envahi toute l’Europe, mais le pays où il fut le plus puissant est certainement la France où en 1979, 80,25 % des Golf immatriculées sont des GTi !!! Il est impensable aujourd’hui qu’une version sportive dérivée d’une populaire de grande diffusion ne fasse ne serait-ce que 5 % des immatriculations. Cela donne une idée de l’ampleur du succès rencontré par Volkswagen. Nous allons en reparler.
Dans la deuxième moitié des années ‘70, en France comme en Allemagne, BMW et Mercedes sont l’archétype même des voitures symboles de promotion sociale. Comment imaginer que la dernière «voiture du peuple» munie d’un 1600 à injection allait marcher (fouler même) sur les plates-bandes prestigieuses de l’étoile et de l’hélice ? C’est que la petite, bien qu’absolument pas révolutionnaire au fond, était loin d’être démunie d’arguments pour plaire et convaincre. Et en France plus encore qu’en son pays d’origine, ses arguments nous parlaient fort. Si fort qu’ils en ont empêché plus d’un de s’endormir le soir. Il faut dire qu’il y avait beau chercher ailleurs, pour un prix approchant de celui de la Golf GTi il n’y avait rien de mieux et de plus sérieux. Par contre il y avait peut-être tout aussi passionnant et plus gai. Ceci dit, c’est un autre débat et il est indubitable que le bagage technologique de la GTI exhalait un fort parfum de performances propre à attirer l’amateur. On passait volontiers sur la boîte 4 les deux premières années et demi et sur les freins arrières à tambour. Le reste était si bien… Et il faut dire que souvent la lointaine concurrence n’avait pas mieux. Alors… On passait bien aussi sans sourciller sur les lacunes de présentation intérieure, triste, mais triste. Pas grave finalement, la gaieté chez la Golf GTi, elle était dans le moteur et le comportement routier. Et puis au moins l’aménagement de l’habitacle respirait la qualité faite pour durer.
Le succès grandissant, le délai d’attente pour toucher sa GTi s’étira. Il passa vite de quelques semaines à officiellement 3 mois, pour monter en réalité jusqu’à 6 mois. C’est que les gens de Volkswagen avaient prévu d’en écouler 400 chez nous la première année (1977) et que finalement ils en écoulèrent plus de 2300. D’entrée, le potentiel s’avéra être largement sous-estimé et par la suite le constructeur s’en trouva tout aussi largement débordé. En 1978, c’est presque 3700 GTi qui furent achetées en France ; en 1979, plus de 8000 ; et en 1980 autour de 11000. Nous l’avons vu tout à l’heure, un quart des Golf écoulées en France à la croisée des années 70 et 80 était des GTi, alors que dans le meilleur des cas, Volkswagen prévoyait d’en vendre 10 %. Ceci précisé, pas besoin de longues explications pour comprendre que dans ces conditions le service commercial n’avait absolument pas la moindre intention de faire des efforts sur le tarif. De 31.260 F du début, le prix passa à 35.430 en 1977 ; 38.490 en 1978 ; 43.850 en 1979 ; pour atteindre 48.990 Francs en 1980. Ce qui faisait tout de même entre, environ, 3.000 et 5.300 francs d’augmentation par an. Ou encore, plus causant, un bond de 57 % au total. Pas moins ! Il faut aussi reconnaître que la voiture n’était pas restée figée et qu’il était normal de faire payer les évolutions (surtout la boîte 5). Ceci dit, il n’y avait aucune raison de freiner l’envolée du tarif de la Golf GTi tant celle-ci s’arrachait. Au point que les occasions récentes se vendaient au prix du neuf, et même plus. Et puis, signe du phénomène qu’elle est devenue, les voleurs lui vouent un attachement dont les propriétaires se seraient bien passés. Face à cette déferlante les concessionnaires essayèrent bien de diriger le client vers d’autres produits du Groupe VW et Audi ayant un caractère sportif, mais rien n’y fit. Scirocco GLi, Jetta GLi et Audi 80 GTE/GLE ne ramasseront que les miettes laissées par la Golf GTi. Pourtant ces modèles n’étaient pas dénués de qualités, au contraire. Ainsi le coupé Scirocco GLi, équipé comme les autres voitures mentionnées ici du même 1600 injection de 110 chevaux que la Golf GTi, était-il l’équivalent de cette dernière avec une carrosserie plus exclusive. Pourtant il était difficile à vendre. Les clients désiraient plus de polyvalence et la mode des coupés s’estompait, ceci explique en partie cela. Prenons maintenant les Audi 80 GTE/GLE et la Jetta GLi. Souvent, vu les besoins du client, elles étaient plus pratiques que la Golf avec leur grand coffre. Mais non, là non plus rien n’y fit ! La GTI avait fait muter le marché, cousines et sœurs n’étaient pas dans le ton, et peu importaient leurs avantages. S’ajoute également dans les explications de la désaffection rencontrée par toutes celles-ci face à la Golf GTi, un prix beaucoup plus élevé qui finalement ne se justifiait “que” par une exclusivité supérieure, une carrosserie plus vaste ou plus fine et un équipement plus riche. Autant d’arguments dont presque tout le monde n’avait que faire vu que pour être regardé et envié, c’était au volant de la Golf GTi qu’il fallait être. Les arcanes des motivations d’achat et du succès ou de l’insuccès d’un modèle sont décidément complexes à percer.

C’est quoi au juste une Golf GTi ?
Lancée à l’été 1974, il ne fait guère de doute chez les observateurs scrupuleux que la Golf constitue une bonne base pour élaborer une petite sportive “utilitaire” dans la droite ligne (quant à la philosophie, techniquement c’est différent) des Renault 8 et 12 Gordini, Simca 1000 Rallye 2 et 1100 Ti, Alfa Sud Ti, Ford Escort RS 2000, etc... Elle a tout pour ça, et même plus que les quelques voitures citées ci-dessus. Répondant aux canons de la modernité de l’époque : moteur transversal, arbre à cames en tête entraîné par courroie, quatre roues indépendantes, traction, carrosserie compacte bi-corps avec hayon, la Golf a aussi pour insigne avantage d’être très légère (760 kg en version 1100 50 ch Din).
Un très bon point si elle devenait une sportive dans l’avenir. La version 1500 70 chevaux Din ne contredit pas ceux qui prétendent qu’une Golf plus étoffée serait redoutable. On sentait effectivement en celle-ci, si ce n’est quelque velléité sportive au moins un potentiel que la faible puissance de son moteur ne mettait que très partiellement à contribution. Visiblement il ne fait aucun doute que les trains roulants et la rigidité de caisse sont capables de supporter beaucoup plus. Seuls les freins dénotent.
Les responsables de Volkswagen n’attendirent pas qu’on leur dise pour essayer de faire de leur nouveau cheval de bataille une authentique sportive. Si cela n’affole pas les carnets de commande au moins ce sera bon pour l’image. Dans un premier temps cela se fit à l’aide de deux carburateurs double corps sur le moteur 1588 cm3 de l’Audi 80 GT. La 80 GT délivrait 100 ch Din avec un seul carburateur double corps à registre, ce qui laisse à croire qu’avec deux doubles corps les 110 chevaux étaient facilement atteints. Cette Golf ne restera qu’un prototype puisque immédiatement après, Audi sortit le modèle 80 GTE (E pour einspritz, injection en français) en remplacement de la GT, avec le même 1588 cm3 muni d’un système K-Jétronic Bosch. Donné pour 110 ch Din et 14 Mkg DIN à respectivement 6.100 tr/min et 5.000 tr/min, ce moteur était une totale réussite. Commercialisée à partir de septembre 1975, la 80 GTE restera dans les normes de diffusion prévue par le groupe VW et Audi et ne s’approchera absolument à aucun moment du colossal succès que va rencontrer la Golf GTi avec le même moteur.
Avec, donc, le 1588 cm3 presque «carré» (79,5 x 80) alimenté par injection d’origine Audi, la Golf appelée des 3 lettres G,T et I qui deviendront vite célèbres (il s’agissait d’un sigle déjà ancien mais jusque là très peu usité) fut présentée au Salon de Francfort en septembre 1975. Il s’agissait d’un modèle d’avant série non définitif en ce qui concerne quelques détails. Les prétentions sportives du modèle furent copieusement mises en avant par Wolfsburg. Une voiture de cette catégorie disposant d’un moteur à injection d’essence de 110 chevaux c’était du jamais vu, cela suffit pour en faire la reine du salon. Mine de rien elle intrigua cette Golf puissante comme une grosse voiture et légère comme une moyenne (ce qu’elle était). Cela promettait ! Nombreux furent ceux à déjà trépigner d’impatience et à prendre des renseignements sur le stand, voire à vouloir signer un chèque de réservation. Il leur fallut attendre juin 1976, mois auquel fut mise en production la GTi, pour pouvoir enfin passer commande. En France c’est jusqu’en Septembre qu’il fallut patienter pour pouvoir s’offrir, façon de dire, une Golf GTi.
Extérieurement la GTi présente très peu de différences avec les autres versions de la gamme Golf. Disponible uniquement en deux portes (plus tard il sera possible de l’obtenir en quatre portes) elle s’en distingue par des élargisseurs d’aile en plastique, un spoiler, une calandre cerclée de rouge, des bandeaux de bas de portes autocollants, un entourage noir mat de la glace de hayon (équipée d’un essuie-glace) et des monogrammes GTi. C’est tout, c’est peu, mais cela suffit pour la reconnaître au premier coup d’œil tout en lui assurant une discrétion de bon aloi. À cela s’ajoutent des pneus de 175/70 x 13 et une garde au sol réduite de 20 mm. Côté technique, la suspension est complétée par des barres antiroulis avant et arrière et ses caractéristiques sont modifiées par l’adoption de ressorts et d’amortisseurs spéciaux. Pour le freinage ce sont des disques ventilés qui ont été retenus, pour l’avant seulement. À l’arrière les tambours restent en place. Là encore c’est peu de chose mais ce sera suffisant pour assurer à la GTi le meilleur comportement du moment, le freinage restera par contre à la traîne. Voyons l’intérieur. Celui-ci se rapproche de l’équipement de la version GLS, avec des sièges baquets garnis d’un tissu écossais très mode, un volant 3 branches, un pommeau de levier de vitesses en forme de balle de golf, et une instrumentation plus complète (compte-tours et température d’huile). La GTi est disponible pour commencer uniquement en rouge ou gris métallisé avec sellerie écossaise rouge ou grise selon la teinte de caisse.
1977 est donc le premier millésime de cette voiture qui restera fameuse et qui, personne ne le sait encore, va marquer l’histoire de l’automobile. Elle ne recevra au cours de cette première année que des améliorations mineures peu nombreuses. Quand la GTi sera commercialisée en France, elle a déjà reçu la culasse pour accepter l’essence sans plomb. Ce que n’avaient pas les premiers exemplaires.
Sans entrer dans le détail, signalons, pour la bonne compréhension, qu’en 1981, VW France commanda une série spéciale de Golf GTi à moteur 16 soupapes (136 ch Din à 6.500 tr/min et 16 Mkg DIN à 5.500 tr/min) au préparateur allemand Oettinger, et qu’à partir de Juillet 1982 la GTi “ordinaire” fut munie d’un moteur 1800 cm3. Obtenu par une légère augmentation de l’alésage (81 au lieu de 79,5), ce gain de cylindrée n’engendra que 2 chevaux supplémentaires (à 5.800 tr/min) mais améliora la souplesse (15,6 Mkg à 3.500 tr/min). En mars 1984, apparition de la Golf série 2 à la carrosserie plus ronde, plus volumineuse et plus lourde. Elle sera naturellement aussi déclinée en une version GTI. Celle-ci ne déclenchera pas le même enthousiasme que son illustre devancière. Elle en restera même à des lieues. Surtout que la concurrence est maintenant très vive.
À l’époque de sa splendeur, la Golf GTi 1600 série 1 n’avait pratiquement pas eu à affronter une situation de réelle concurrence. Ford Escort XR3, Renault R5 Alpine et Fiat Ritmo 105 TC ne faisaient pas le poids face à son homogénéité. Quand les constructeurs adverses, au nombre desquels les trois précédemment cités, furent en mesure de vraiment réagir, avec, soit de toutes nouvelles voitures, soit des versions revues et corrigées (telles la XR3i, la R5 Alpine Turbo et la Ritmo 125 TC pour continuer avec nos trois exemples précédents), la Golf vacilla un peu sur son piédestal mais ne chuta pas. Elle restera maître de la situation avec seulement quelques améliorations supplémentaires de seconde importance et, surtout, son nouveau moteur 1800.
Deux à trois ans plus tard après l’arrêt de la Golf série 1, même les «super GTi» apparaissant sur le marché avec une puissance de l’ordre de 130 ch et plus (Ford Escort RS Turbo, Fiat Ritmo 130 TC Abarth, VW Golf GTI série 2 16 soupapes, Lancia Delta HF 1600, Peugeot 205 GTI 1.9 L) ne purent noyer le chagrin des plus férus de la Volkswagen. Ayant eu pour avantage d’être la première «GTi» de l’ère moderne, la Golf série 1 bénéficiait d’une cote d’amour gigantesque. Et malgré des prestations rentrées dans le rang, elle continua pendant des années à faire un tabac sur le très actif marché de l’occasion. La version spéciale au marché français, à moteur 1600 Oettinger 16 soupapes, contribua fortement à renforcer le mythe GTi chez nous et fera l’objet d’un véritable culte chez les “extrémistes”. Elle sera suivie tardivement d’une version officielle de la GTi 16 soupapes série 2 apparue pour le millésime 85. Celle-ci ne déclenchera pas le même enthousiasme. Dans ces conditions, tendant vers un état d’amour passionnel et immodéré, juger objectivement la Golf GTi série 1 devenait pour certains très difficile. Voire impossible. Comme chacun sait, l’amour rend aveugle. Beaucoup ne se remettaient pas de sa disparition et à force de l’aimer finissaient par lui prêter un niveau d’efficacité qu’elle n’avait pas. Chez les autres, les plus modérés, les plus ouverts aussi aux appels de plus en plus prononcés de la concurrence, l’apparition concomitante de la nouvelle carrosserie (série 2) et de la 205 GTi fit prendre rapidement conscience que le règne de la Volkswagen était en passe de se finir. Il avait tout de même duré huit ans.
Aujourd’hui la fête est finie. Les voitures de la catégorie «GTi» sont à l’agonie chez les rares constructeurs qui en proposent encore et la Golf GTI série 1 est demeurée une légende. C’est une affaire entendue. À tel point qu’il est rare encore aujourd’hui d’en entendre parler entre passionné sans pouvoir relever des excès concernant ses prétendues capacités. Alors que faut-il véritablement en attendre en 2004 de cette fameuse Golf GTi série 1, fondatrice d’une catégorie d’automobiles qui marquèrent profondément les années 80 ?
Le temps a passé, 30 ans se sont écoulés depuis la présentation des premières Golf, qui engendreront celle qui nous intéresse ici au premier chef. 30 ans, ce n’est pas rien. Il s’en est passé des choses dans le vaste monde de l’automobile. Ainsi, bien que plus du tout dans l’air du temps car considérées comme des pousse au crime inadaptées aux conditions de la circulation moderne, les simples «GTi» sont devenues des «super GTi». Des «hyper GTi» même, devrait-on dire. Celles-ci, fortes de puissances considérables (pas loin de 200 ch pour certaines d’entre elles) et de compétences dynamiques inconnues il y a 20 ans, naviguent dans une sphère très lointaine de celle de notre Golf GTi. Difficile à première vue de ne pas écorner la réputation de la Golf GTi première du nom si l’on connaît ses descendantes spirituelles et que l’on garde constamment à l’esprit leur niveau d’efficacité. Un niveau si élevé, procuré par des trains roulants très sophistiqués et une électronique de plus en plus présente, que les «hyper GTi» dont il est question sont capables de tenir la dragée haute sur certains parcours aux grosses GT d’il y a 20 ans. Dans ces conditions, ne va-t-elle pas me paraître totalement dépassée cette Golf GTi, que l’on regardait passer à 18 ans avec des yeux de Chimène mes camarades et moi ? Autant le dire tout de suite, cela ne fut pas du tout le cas. Au moins en ce qui concerne le plaisir à retirer. Immense ! Elle m’a donné le sentiment évident d’avoir beaucoup vieilli sur les points qui ont le plus progressé ces dix dernières années (freinage, filtrage de suspension et précision de conduite notamment), mais elle ne m’a pas parue être totalement dépassée. Ça non !


De très bon restes...
J’ai donc sous les yeux pour essai, une Golf GTI 1600, boîte 5, de 1981. Totalement d’origine à l’exception de quelques compléments d’habillage intérieur (bas de vitres de portes et de vitre arrière et côtés de coffre) faits maison par le précédent propriétaire et du rétroviseur droit, elle totalise 150.000 km environ. Un kilométrage qui commence à être respectable mais qui ne l’empêche pas d’être en pleine forme. L’entretien fut parfaitement suivi, cela se sent à la conduite. Les sièges baquets Recaro sont impeccables et à l’inspection de l’intérieur rien ne révèle la somme de kilomètres accumulés et le passage du temps.
Dès les premiers mètres je perçois ce qui a probablement à mes yeux, avec le freinage, le plus vieilli sur la Golf GTi, j’en faisais état précédemment : il s’agit du filtrage de suspension, qui n’arrive pas à la cheville de ce que l’on sait faire aujourd’hui. Ça brinqueballe, enfin cela en donne l’impression, c’est ferme et cela génère des bruits parasites dans l’habitacle. Bref, c’est sport façon années 70-80 et il vaudra mieux pour de longs déplacements avoir à faire à du billard impeccable qu’à un revêtement gondolé et parsemé de nids de poule. La direction est, elle, particulièrement douce et précise. Totalement à l’opposé de la fermeté de suspension. Vous me direz, ça n’a rien à voir, c’est vrai. N’empêche qu’avec un train avant si rêche on s’attend plus à trouver une direction dure. Quant à la boîte de vitesses, elle ne fait carrément pas son âge. Le mécanisme de sélection est précis, agréable à manœuvrer et les synchros permettent des passages de rapport éclairs. De plus, l’étagement est parfait et permet en tirant sur tous les intermédiaires une mise en vitesse harmonieuse, et, surtout, de ne jamais être «entre deux vitesses» sur parcours sinueux et vallonné comme l’est notre itinéraire. Jamais la Golf GTi n’est traître dans ses réactions et seul son freinage réclamant un gros effort à chaud pour n’obtenir qu’une décélération moyenne, incite à la prudence sur route non reconnue auparavant. Tout cela est très bien mais cela ne veut pas dire que c’est parfait. Sur les bosses en virage, l’amortissement trop souple en compression à l’avant fait que la voiture pique un peu trop du nez, et l’arrière ne donne pas l’impression de toujours vouloir suivre avec la plus grande discipline. Malgré ce comportement, largement oublié de nos jours avec les sportives modernes à la cadence à laquelle est capable d’aller une Golf GTi de 1981, le comportement routier peut être qualifié d’exemplaire. Justement car la GTi n’est jamais traître, on perçoit parfaitement ses limites et cela procure un véritable confort de pilotage. Il n’y a pas d’effet de couple désagréable dans la direction, ni de perte de motricité intempestive. Même en 2me et alors que l’auto essayée est équipée de modestes 175/70 x 13. Une option, très coûteuse, comprenant des jantes de 14’’ et des Pirelli P6 améliorerait beaucoup les choses. C’était certainement très bien pour ceux exploitant à fond les capacités de leur engin, car au rythme où je vais, rapide mais coulé, je sens que la voiture n’aurait pas besoin de grand chose de plus pour aller naturellement plus vite sans que j’ai à forcer plus. Plusieurs amorces de sous-virage se sont manifestées et j’ai senti dans la direction que les pneus à profil haut se déformaient. Ce fut parfaitement sensible dans les ronds-points déserts et au revêtement d’excellente qualité, abordés à relativement grande vitesse. Il suffit alors de doser du pied droit pour rester sans problème en deçà de la limite où apparaît le fort sous-virage. Un jeu d’enfant. Ceci dit la prise de roulis est importante et dans ces tourniquets que sont les ronds-points campagnards, une chaussée humide aurait certainement occasionné des pertes de motricité importantes. Les changements d’appui ne sont pas aussi nets qu’avec une voiture de même catégorie beaucoup plus récente, ou tout simplement qu’avec une 205 GTI. La conduite de cette voiture est récréative avec son mélange de sensation disparues et de sensations toujours d’actualité. S’il fallait résumer, je dirais que la Golf GTI série 1 est une «ancienne-moderne». La durée de l’essai (trop court) et la joie de me retrouver au volant de cette voiture m’ayant un peu fait oublier que j’étais là pour travailler, m’en ont fait complètement passer à côté du jugement du confort. Un confort qui avait la réputation à l’époque d’être très relatif, pour les passagers arrières surtout. Disons que pour ma part cela m’a paru ferme, mais que la qualité des sièges compense largement il me semble en ce domaine les lacunes des suspensions. De toute façon cela me paraît secondaire. Le comportement routier, sûr, efficace et prévenant est beaucoup plus important que le confort maintenant que la voiture est surtout utilisée pour des voyages d’agrément.
Le moteur est une merveille de mécanique. Un chef d’œuvre ! Reprenant à tous les régimes à partir de 1.500 tr/min sur tous les rapports sans hoqueter, oui même en 5me (!), il monte ensuite avec allégresse jusqu’à la zone rouge. Son onctuosité et sa hargne sont un régal. Sa sonorité n’est pas mal non plus. Un rien métallique elle n’est pas envahissante et vous parvient aux oreilles juste ce qu’il faut pour y prendre plaisir sans s’en lasser sur longues distances. Comment d’ailleurs se lasser de quoi que ce soit de cette voiture ? Je me le demande encore.
Alors, en n’ignorant rien du principal de ce qui fait la supériorité des sportives d’aujourd’hui sur celles d’hier, ce qui sans cela pourrait fausser le jugement, faute de référence, la Golf GTi est-elle véritablement à la hauteur de son mythe ? À cette question je répond oui sans hésitation. Sa facilité de conduite, et de pilotage, l’excellence de son moteur et de sa boîte ont tendance, c’est vrai, à masquer ses défauts. Car il faut le dire, elle en a. Mais aucun n’est très marqué à l’exception du freinage et à son époque elle fut sans concurrence sérieuse. Du fait elle émergeait de la tête et des épaules du lot des petites sportives de grande série. Ce qui lui permit de bâtir les très solides fondations de sa légende. Et encore de nos jours, cette légende n’est pas à la veille de s’effondrer chez ceux de ma génération s’étant usés les yeux à lire et relire les essais et les comparatifs de la grande presse auto de la fin des années 70 et du début des années 80. Des années bénies. Cela n’allait pas durer…

Vous cherchez une petite voiture de collection peu onéreuse, solide, dotée d’un vrai caractère et utilisable quotidiennement : c’est pourtant facile de ne pas se tromper !