Lancé en 2006, Auto Moto Collection était spécialisé dans la voiture sportive de collection. Tous les deux mois, des milliers de passionnés y découvraient de superbes reportages sur leurs automobiles préférées, de sportive d'occasion comme la Ferrari 550 Maranello à la légende d'avant-guerre qu'est l'Amilcar CGSS. Ce magazine a malheureusement disparu et bon nombre de ses lecteurs regrettent encore aujourd'hui que les articles publiés ne soient pas disponibles. Ce manque est aujourd'hui comblé puisque ce blog publiel'intégralité de tous les articles parus. Bonne lecture à tous.



Lotus Excel - 1983





Dans le n°4 d’Auto-Moto-Collection, la saga de la Lotus Esprit vous a été contée en détail. Voici donc celle, plus brève, qui fut un temps sa compagne au catalogue de la prestigieuse marque fondée par Colin Chapman. Il nous faut remonter à la fin des « Sixties » où le dynamique patron Anglais se penche sur la conception d’un moteur 100% Lotus capable de se substituer au bloc Ford dont il dépendait alors, et qui été voué à une disparition prochaine. Cette perspective impliquait de produire des autos plus luxueuses, donc vendues plus chères, afin d’amortir surtout les investissements importants liés à la mise au point d’un moteur inédit. Au-delà, Chapman ambitionne aussi d’investir le créneau à la fois juteux et prestigieux des GT de luxe, tout en répondant à une éventuelle demande de ses « vieux » clients devenus des pères de famille aisés. La phase de développement, plutôt longue, se fera par étapes successives, au détriment, soit dit en passant, des acheteurs de l’éphémère cabriolet Jensen-Healey, équipé prématurément de la nouvelle mécanique Lotus (type 907), dès 1972… Quand apparaît l’Elite (Type 75, à ne pas confondre avec le coupé 2-places Type 14 produit entre 1957 et 63), deux ans plus tard, la clientèle habituelle de la marque d’Hethel est pour le moins décontenancée à la fois par l’orientation de la gamme, manifestement plus…élitiste ! Succédant à l’Élan+2S/130, le nouveau modèle fait payer cher (plus du double) le gain en performance, espace, et équipement, ce qui, ajouté à un design totalement différent, traduit sans ambiguïté les intentions de conquête d’un public aisé. Fini donc le temps des Seven vendues en kit (Lotus en arrêtera d’ailleurs la production en 73, laissant le soin à son sous-traitant Caterham de reprendre le flambeau…ce qu’il continue à faire brillamment d’ailleurs !), place à une génération de voitures susceptibles de faire de l’ombre à des firmes comme Porsche, ou Lamborghini, par exemple…

De l’Elite à l’Eclat...
En fait de coupé 2+2, l’Elite a plutôt l’aspect d’une sorte de break de chasse avant-gardiste, sa carrosserie en fibre adoptant les lignes cunéiformes d’inspiration latine alors en vogue. Plus gros que tous les modèles jusqu’alors construits par Lotus, il inaugure aussi un coffre accessible par la lunette arrière formant hayon, comme sur les Reliant Scimitar GTE et Volvo 1800ES, et bien sûr le fameux moteur 907, un 2-litres 16 soupapes, double arbre, tout aluminium (2.2 L « 912 » à partir de 1980). Avec L’Elite, Lotus devient donc enfin un constructeur à part entière (même si certaines pièces d’équipement font encore appel à des pièces empruntées à d’autres véhicules de la grande série). Si ce modèle reste en production jusqu ‘à la fin de 1982, il est rapidement secondé par une variation, baptisée Eclat (selon la tradition interne du « E » comme initiale), dès 1975. Ce « Type 76 » se veut plus abordable que sa devancière, grâce à une finition simplifiée, et s’en distingue notamment par un pavillon de type fastback qui, dès lors, en fait plutôt un coupé 2+2. Elle pèse près de 100 kg de moins que l’Eclat, ce qui profite aux performances. Toutes deux suivront sensiblement la même évolution avant de laisser placer à l’Excel qui, dans un premier temps, conservera parallèlement l’appellation « Eclat ». Mais avant d’en venir à celle qui illustre ces pages, signalons qu’entre temps (présentation en 1975, mais commercialisation à mi-76) la fameuse Esprit a éclipsé ses s?urs de sang (elles partagent le même moteur, à l’origine) au yeux du grand public : en 1977, elle a notamment l’honneur de s’afficher au côté de James Bond dans « The Spy Who Loved Me » où, bien sûr, elle dispose d’options spéciales absentes du catalogue Lotus ! Ce modèle se présente comme un coupé résolument sportif, strictement 2-places, avec un moteur en position centrale arrière (au lieu d’à l’avant sur l’Elite et L’Eclat-Excel), répondant ainsi sans doute plus à l’attente de la clientèle traditionnelle de la marque. D’ailleurs, sa carrière ne s’achèvera qu’en 2003 ! Mais vous connaissez déjà son histoire…

Japanese connection
Depuis la fin des années 70, la santé financière de Lotus connaît des hauts et des bas : Toyota devient actionnaire, amenant des échanges de technologie profitables pour les deux firmes. Ainsi, l’ultime évolution de l’Elite, baptisée Excel (un temps appelée aussi « Eclat 3 » et « Eclat-Excel ») va bénéficier d’une boîte 5 vitesses, d’un pont, de freins, et même de jantes du coupé Toyota Supra. Cela répond à la fois à un soucis d’économie et une fiabilité accrue. Visuellement, le nouveau Type 89 reprend les grandes lignes de l’Eclat, arborant une proue plus fluide qui intègre le spoiler. La coque en polyester étant composée de deux éléments superposés, cela permet des modifications peu coûteuses limitées essentiellement à la partie supérieure : capot différent, passage des éléments chromés au noir mat ou ton caisse, vitre de custode réduite et redessinée ; les montants arrière, désormais plus larges, comporte l’orifice du réservoir à gauche, le Logo Lotus à droite… Plusieurs retouches de détails interviendront surtout à partir de 1984 (becquet sur coffre, jantes…), date à laquelle le nom d’Eclat est définitivement abandonné. L’habitacle se différencie peu de celui en usage depuis l’Elite, en dehors de la suppression des parements en bois. Néanmoins, fin 85, le tableau de bord est remplacé par un modèle incurvé vers le conducteur, s’apparentant désormais à celui de certaines berlines cossues. Sur le plan mécanique, les suspensions arrière adoptent une géométrie inspirée de celle de l’Esprit ; 1985-86, voient l’apparition successive de deux versions supplémentaires : la « SE » qui, dotée du moteur HC (haute compression), fait passer la puissance du 2.2 L de 160 à 180 ch, et la « SA » (Sport Automatic) à boîte automatique ZF à 4 rapports, monté sur le même bloc HC. En revanche, l’injection, pas plus que le Turbo (dont bénéficiera l’Esprit) n’équiperont jamais une Excel de série, ce qui lui fermera certains marchés, notamment celui des États-Unis… D’ailleurs, sur une production de quelque 2100 exemplaires, seul environ 10% sera destiné à l’exportation. En l’absence d’importateur régulier en France, le nombre d’Excel sur notre territoire est très faible, de l’ordre d’une vingtaine, selon le propriétaire de notre modèle 1983. De ce fait, l'auto sera donc passée rapidement du statut de voiture d'occasion à celui, nettement plus flatteur, de véhicule de collection à part entière.

Depuis son arrêt en 1992, aucune remplaçante à L’Excel n’est venue encore compléter l’offre de Lotus. Souvent méconnue par les nouveaux adeptes de la firme, conquis par la petite Elise apparue en 1995, et ses dérivés, la trilogie Elite-Eclat-Excel fait pourtant partie intégrante de la légende de la marque fondée en 1952 par Colin Chapman. Et même si ces autos à vocation plus « familiale » n’ont pas vraiment connu le succès escompté par ce dernier, aujourd’hui, elles méritent amplement l’intérêt des collectionneurs. Rappelons enfin que l’Excel demeure l’ultime modèle présenté du vivant de son créateur, décédé prématurément le 16 décembre 1982.