Lancé en 2006, Auto Moto Collection était spécialisé dans la voiture sportive de collection. Tous les deux mois, des milliers de passionnés y découvraient de superbes reportages sur leurs automobiles préférées, de sportive d'occasion comme la Ferrari 550 Maranello à la légende d'avant-guerre qu'est l'Amilcar CGSS. Ce magazine a malheureusement disparu et bon nombre de ses lecteurs regrettent encore aujourd'hui que les articles publiés ne soient pas disponibles. Ce manque est aujourd'hui comblé puisque ce blog publiel'intégralité de tous les articles parus. Bonne lecture à tous.



Renault 25 V6 Turbo - 1992





La Renault 25, pour nous "petits" français, c'est le rêve de toute une nation. Une auto que, ce qui s'appelait alors encore la Régie avait propulsé face à l'armada allemande (Mercedes-Benz série W124, BMW série 5 et Audi 100), avec des arguments osés pour l'époque, mais un marketing soigné. Certes, le lancement en 1984 de la gamme Renault 25 avait pu faire sourire certains observateurs en raison de la qualité de la présentation intérieur à parfaire et des équipements qui se voulaient innovants, mais pas toujours fiables (ordinateur de bord avec voix de synthèse, entre autres) en raison de montages avec des connectiques peu efficaces. Une erreur sur les connectiques que réitéra également Peugeot pour sa 605.
Mais après un face-lift réussi et flatteur en juin 1988, Renault va peaufiner son offre haut de gamme avec une large déclinaison de variante : V6 atmosphérique ou V6 turbo, boîte mécanique ou boîte automatique. Et comble du raffinement, dès 1989, Renault va inaugurer une nouvelle finition : Baccara. Un label synonyme de luxe et d'exclusivité qui sera même décliné par la suite sur d'autres modèles de la gamme : Supercinq Baccara, puis Clio Baccara, Renault 19 Baccara. En 1989, les Français pouvaient avoir le sourire, la version V6 turbo Baccara, forte de ses 205 ch et de sa finition spécifique et son équipement ultra complet, pouvait tenter de snober ses rivales germaniques... du moins en France !

Une ligne classique et élégante...
La grande caractéristique de la Renault 25 dans ce segment des berlines statutaires, c'est bien évidemment son hayon à bulle, du même genre que la Fuego ou la Renault 11. Une spécificité presque exclusivement Renault que seule la Fiat Croma et la Saab 9000 osèrent. Pour les autres, on reste invariablement dans la formule tri-corps avec malle de coffre classique. Depuis le restylage de 1988, les Renault 25 avaient gagné une nouvelle face avant avec un museau plus arrondi et allongé tandis que l'arrière recevait des feux nouveaux à glace lisse et bicolores noir et rouge.
L'efficacité aérodynamique est restée stable lors de ce face lift avec un Cx de 0,33. Les version équipées du V6 PRV recevaient toutefois quelques signes distinctifs comme la suppression des clignotants sur le bloc optique principale des phares (ils migrent alors dans le bouclier avant, tandis que l'optique de phare semble plus grand) ou l’aileron plus prononcé sur la malle arrière en lieu et place du petit becquet.
Toujours dans les détails de style, les V6 injection Baccara atmosphériques qui furent les premières à hériter de cette finition conservaient les jantes alu des premières Renault 25 Phase 1 Turbo alors que la Turbo Baccara 205 ch était dotée d'office de très belles jantes BBS en nid d'abeille qui faisaient alors fureur dans les milieux du tuning haut de gamme.

Un intérieur vraiment luxueux
C'est certainement l'habitacle qui était le plus conséquemment garni et pour lequel un effort de présentation avait été particulièrement soigné. Avec la griffe Baccara apposée sur la carrosserie, la Renault 25 V6 Turbo voulait offrir à ses occupants l'exclusivité d'une finition unique. L'équipement de série était quasiment du toutes options comprises puisque seules demeuraient encore au registre des suppléments le toit ouvrant et la boîte automatique. Pour le reste tout est là : direction assistée, vitres électriques, fermeture centralisée, radio + minichaîne (alors très à la mode chez Renault) avec le satellite de commande au volant (Renault avait été précurseur sur cet accessoire), sièges multi réglables, climatisation, régulateur de vitesse,… C'est bien simple, rien ne manque à l'appel ! Mais plus encore que l'équipement " fonctionnel " c'est la présentation intérieure qui étonne. La sellerie cuir est intégrale (une option sur la Renault 25 V6 Turbo " standard "), l'habitacle recèle de boiseries dont le pommeau de vitesse entièrement en bois, et surtout une housse en cuir très pratique est fixée sous la plage arrière afin d'y ranger costumes ou vestes sans les froisser. Pas de doute, avec cette Baccara, Renault fait honneur à son slogan des " Voitures à vivre ".

Un moteur gourmand,
mais à la robustesse éprouvée
Si les premières Renault 25 dotées de la finition Baccara étaient uniquement au départ des versions V6 injection de 153 ch en version dépolluées, la Turbo eut le droit également à la finition Baccara dès mars 1990. Initialement dotée d'un moteur PRV V6 de 182 ch par la grâce du turbocompresseur, la Renault 25 V6 Turbo lors de la dépollution profita d'aménagements mécanique qui lui permit non seulement de passer les normes, mais en plus de gagner 23 ch de plus ! Une évolution qui fit scandale à l'époque lorsque l'Alpine V6 Turbo Le Mans faisait le chemin inverse en perdant 15 chevaux dans la bataille de la dépollution. Si les esprits se sont vite enflammés sur ce sujet et que Renault essuya alors de vives critiques à son encontre, des raisons à la fois techniques et de budget justifiaient très rationnellement ce choix pour le moins polémique. En effet, bien que dotées toutes deux du même V6 PRV, leurs blocs n'étaient pas exactement identiques, ni même l'implantation de bon nombre de périphériques, à commencer par la boîte de vitesse. Impossible alors de faire deux fois les mêmes investissements moteurs, surtout pour notre regrettée Alpine Le Mans qui n'allait être commercialisée qu'à 300 exemplaires. Si le V6 PRV qui devait naître V8 (on ne vous fera pas l'injure de vous refaire toute l'histoire du V6 PRV, d’autant plus que notre rédaction recèle un spécialiste dudit moteur qui prendrait très mal toute critique ou omission sur le PRV...) fut très largement critiqué à ses débuts (V6 à 90° donc déséquilibré, puissance faible, glouton en carburant…) Renault su le faire évoluer de manière très significative.
Sur les premières Renault 25 Turbo phase 1, il avait déjà apporté quelques modifications d'importance pour améliorer son agrément et ses performance : réduction de la cylindrée à 2458 cm3 avec l'adjonction d'un turbocompresseur, nouveau vilebrequin course courte avec manetons décalés, détecteur de cliquetis sur chaque cylindres, système de gestion électronique intégral Renix. Notre bon " vieux " PRV se voyait ainsi propulser à 182 ch avec un fonctionnement nettement plus régulier et noble. Ses évolutions successives, à commencer en compétition avec Venturi et Alpine notamment démontrèrent son étonnante marge de progression, et également sa fiabilité. Aux côtés de cette version turbocompressée le V6 atmosphérique de 160 ch faisait bien pâle figure.
Pour la V6 Turbo Baccara, les motoristes de Billancourt durent donc composer avec les normes anti-pollution européennes plus strictes, de même qu'avec un budget limité. Pour parvenir à leurs fins, ils modifièrent les arbres à cames, le turbo et la gestion électronique (la pression de suralimentation est à pilotage électronique comme sur la Renault 21 2 litres Turbo). Le résultat évoqué plus haut porta la puissance donc à 205 ch à 5500 tr/mn et le couple à 29,6 mkg à 2500 tr/mn. Ainsi gréée, la Renault 25 V6 Turbo Baccara pouvait se targuer de performances peu communes à l'époque avec 233 km/h en vitesse maxi, un kilomètre départ arrêté franchi en 28 secondes ou presque. Malgré ces améliorations mécaniques, la consommation moyenne restait toujours élevée avec un bon 13 litres au cent de moyenne sans trop forcer. Si une boîte mécanique à 5 rapports équipait de série la V6 Turbo, le client pouvait opter en option pour une automatique à 4 rapports, conçue en collaboration avec VAG.

Le châssis...
Avec 29 mkg de couple à passer au sol et 205 ch sur les simples roues avant, on peut craindre avant toute chose des problèmes de motricité ainsi que des remontées de couple dans le volant. Si la motricité sur chaussée dégradée ou humide montre en effet vite ses limites, les remontées de couple dans le volant sont relativement contenues. Il faut reconnaître que la direction à assistance variable qui équipe les V6 Turbo 205 ch et est nouvelle semble particulièrement réussie et offre un bon feeling effaçant ainsi cette sensation de légèreté du train avant ressentie sur les Renault 25 phase 1. Les très belles jantes en alu BBS de 16’’ en plusieurs parties étaient chaussées de pneus taille base en 205/55 VR 16. Cela améliorait alors certes la précision de conduite mais dégradait légèrement le confort. Pourtant, il fallait bien cela pour permettre à la Renault 25 de tutoyer avec les 240 km/h. Côté suspensions, Renault faisait confiance à un système McPherson à l'avant, et l'amortissement global souffrait d'une trop grande souplesse notamment pour le conducteur sportif. Une sorte de notion de confort " à la française ". Les suspensions à amortissement piloté sont proposées en option dès 1991 sur la Baccara, ainsi que sur la V6 Injection, mais elles n'apportent pas un plus véritable.

Acheter une
R25 V6 Turbo Baccara...
Affichées à des tarifs très variables, les Renault 25 V6 Turbo Baccara qui se présentent dans les annonces de voitures d'occasion ont des états totalement hétérogènes. Certaines semblent complètement " rincées " avec 300.000 km et un entretien plus que douteux, et d'autres semblent tout juste de sortir du parc d'une entreprise avec moins de 150.000 km et une fraîcheur comme au premier jour.
Difficile donc d'établir une cote ajustée, mais la fourchette de prix semble s'établir actuellement entre 3500 et 8000 euros selon les états. Ce qui est vital c'est que l'auto convoitée soit " complète " à savoir que tout ce qui faisait parti de la finition Baccara et lui était spécifique soit bien présent dans l'auto. Si ce n'est pas le cas, la recherche ultérieure des pièces manquantes risque d'être longue et coûteuse. Souvent très prisées en deuxièmes et même troisièmes mains, les Renault 25 V6 Turbo Baccara n'ont pas toujours profité des égards auxquels elles avaient droit en entretien. Il est donc important de privilégier les modèles avec peu de propriétaires, un historique limpide et un entretien confirmé, idéalement chez Renault. On commence certes à limiter le nombre d'autos potentielles sur le marché, et les prix commencent à être plus élevés, mais cela sera moins d'argent dépensé par la suite en remise en état, surtout que Renault n'a pas de politique de pièces détachées disponibles pour ses anciennes comme peuvent le pratiquer BMW ou Mercedes-Benz par exemple. Bonne nouvelle néanmoins, le V6 PRV est fiable et semble indestructible. Les très gros kilométrages ne lui font pas peur et en général se sont les périphériques et accessoires qui déclareront forfait les premiers. Comme toute mécanique turbocompressée, ce V6 mérite de l'huile de très bonne qualité (de la 100% synthèse), mais aussi un comportement du conducteur ad hoc : pas de coup de gaz à la coupure du contact, laisser le moteur monter en température avant " d'attaquer ", voire ne pas attaquer du tout… Après tout, vous n’êtes pas dans la Super 5 GT Turbo de Gérard, votre beau-frère. L'évolution actuelle de l'équipement pneumatique des autos modernes permet d'acheter des pneus en 205/55 VR 16 à des tarifs plus abordables que par le passé. N'étant pas du tout une simple voiture d'occasion mais bien une auto de collection, la Renault 25 V6 Turbo Baccara doit être un achat de connaisseur et il sera vraiment vital de bien sélectionner l'auto lors de la phase de recherche. Pour ralentir cette rapide 25, Renault lui avait octroyé quatre freins à disques (ventilés à l'avant) et l'ABS de série, ce qui n'était pas si courant à l'époque.

En conclusion...
Avec son génie presque d'artisan, Renault a su mettre sur le marché une voiture fort en charisme et qui laissa une empreinte dans l'esprit du public contemporain à la 25 V6 Turbo Baccara. Une certaine vision du luxe à la française avec des moyens cependant plus limités que les ténors allemands. David contre Goliath, certes, mais le public raffole de cette ritournelle tirée de la mythologie et s'approprie le succès de " son" constructeur comme sien. Début 1990, la bande à Noah gagnait la coupe Davis à Lyon et les français avaient leur Renault 25 V6 Turbo Baccara comme vaisseau amiral de toute une nation, avec des succès commerciaux réels. Aujourd'hui nous n'en avons plus, seulement des fantômes de haut de gamme et de tentatives avortées ou échouées. Alors forcément, ce sont avec des yeux de Chimène que nous regardons dans le rétroviseur cette R25 V6 Turbo Baccara… Allez France !